Après le côlon irritable, le SIBO.

Cet article est une gracieuseté du Québec Sience oct-nov 2020.

Merci à Marthe L. pour son partage

Journaliste : Isabelle Delorme

Des symptômes souvent associés au syndrome du côlon irritable cachent parfois un autre trouble digestif moins connu : le SIBO.

Les chercheurs s’intéressent de plus en plus au microbiote et aux milliards de bactéries qui le constituent, essentielles au bon fonctionnement du corps humain. Pour autant qu’elles se trouvent au bon endroit !

Lorsque les bactéries prolifèrent dans l’intestin grêle, les conséquences peuvent grandement altérer la qualité de vie. Cette prolifération bactérienne est connue sous l’acronyme anglo-saxon SIBO (pour small intestinal bacterial overgrowth). « Ce n’est pas un problème de qualité des bactéries, mais une multiplication de bactéries normales à un endroit qui n’est pas normal », résume Mickael Bouin, gastroentérologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal. En se multipliant dans l’intestin grêle, ces bactéries − qui consomment des glucides − produisent des gaz (hydrogène, méthane…) qui peuvent être à l’origine de symptômes variés : ballonnements, flatulences, constipation et diarrhée en alternance ou même des symptômes extradigestifs comme de la fatigue ou des difficultés de concentration.

Ces symptômes ressemblent à ceux du syndrome du côlon irritable, ce qui rend la délimitation diagnostique difficile. Les deux troubles se chevauchent d’ailleurs souvent et leur lien est encore discuté dans la communauté scientifique, tout comme la prévalence du SIBO, qui reste non déterminée. Cette prolifération bactérienne intestinale est connue depuis longtemps, même si tous les praticiens ne sont pas suffisamment spécialisés pour la reconnaître, selon Michaël Bensoussan, gastroentérologue à l’hôpital Charles-Le Moyne. Mais au cours des dernières années, la progression des connaissances dans le domaine du microbiote a renforcé l’intérêt pour cette affection. Ainsi, des travaux menés par le Dr Bouin ont montré que les personnes atteintes de pancréatite chronique ou de cirrhose biliaire primitive sont davantage touchées.

L’origine du SIBO n’est pas pour autant élucidée. Plusieurs facteurs pourraient y prédisposer, comme un traitement au long cours d’inhibiteurs de la pompe à protons (souvent prescrits pour soulager le reflux gastrique) ou des troubles de la motilité de l’intestin grêle. Le diagnostic est également fort complexe. Pour y parvenir, on utilise deux méthodes : l’aspiration et l’analyse bactériologique du liquide contenu dans le jéjunum, une partie de l’intestin grêle. Les gastroentérologues leur préfèrent toutefois une technique plus simple et non invasive : un test respiratoire pour analyser les gaz expirés par le patient après ingestion de glucose ou de lactulose. L’excès d’hydrogène et de méthane, uniquement produits par les microorganismes, est révélateur.

Cet outil diagnostique est néanmoins critiqué. « Le test au glucose est facile à effectuer, mais il peine à atteindre la partie distale de l’intestin grêle et l’on estime qu’il est positif sur environ un tiers des patients seulement, explique le Dr Satish Rao, professeur à l’Université d’Augusta, aux États-Unis. Quant au test au lactulose, je ne l’utilise pas, car il entraîne un taux élevé de faux positifs. Compte tenu de ce problème de fiabilité, le SIBO suscite encore beaucoup de scepticisme. »

Pour surmonter ces écueils, le Dr Rao teste actuellement une capsule à avaler mise au point par l’entreprise canadienne StarFish Medical. C’est « un minilaboratoire microbiologique révolutionnaire pour détecter les bactéries », résume-t-il. Les premiers résultats d’essais in vitro seront dévoilés à l’automne. S’ils sont concluants, ils pourraient être suivis de tests sur l’être humain au printemps 2021.

Pour l’heure, Michaël Bensoussan considère que, dans la pratique clinique, un résultat positif au test respiratoire est suffisant pour tenter un traitement des patients.

DES SYMPTÔMES PERSISTANTS

Des antibiotiques, comme la rifaximine ou le métronidazole, sont le traitement de choix. Le Dr Rao estime qu’un tiers de ses patients guérit avec une seule prescription. Mais les récidives demeurent fréquentes tant que la cause du trouble chronique n’est pas réglée, constate Mickael Bouin. « ll faut souvent essayer de traiter la dysfonction sous-jacente qui favorise la prolifération bactérienne, précise le gastroentérologue. À l’origine, il y a souvent une mauvaise motilité de l’intestin grêle. Certaines maladies de dégénérescence musculaire ou neurologique ou encore une perte de neurones empêchent l’intestin de bien fonctionner. » Il sera alors difficile de régler le problème définitivement, puisque très peu de médicaments permettent à l’intestin grêle de recouvrer sa motilité. Cela dit, il est possible de traiter ponctuellement la prolifération en cas de récidive, rappelle le Dr Bouin. De plus, une médication accélérant le transit intestinal peut aider le patient.

Michaël Bensoussan a pour sa part recours à un ensemble de mesures qui permettent d’améliorer le confort digestif de ses patients, comme une cure de probiotiques et la diète FODMAP (pauvre en glucides fermentescibles, elle est souvent recommandée aux patients atteints du syndrome du côlon irritable). «Nous sommes dans la médecine empirique, pas dans la médecine fondée sur des preuves », souligne le gastroentérologue, pour qui les nombreuses recherches menées sur le microbiote permettront certainement d’obtenir des progrès. Les chercheurs n’ont pas fini d’explorer les bactéries hébergées dans notre tube digestif.

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